Conférence Nathalie Becquart, Synodalité comme chemin de communion

C’est avec une grande joie q ue je suis venue vous rejoindre pour partager une réflexion sure « la synodalité comme chemin de communion » en ce quatrième jour de votre rassemblement international des Equipes Notre-Dame. Je remercie très vivement les responsables Clarita et Edgardo Bernai Fandino qui m’ont invitée et tous ceux et celles qui contribuent à l’organisation de cette belle rencontre.

Vous le savez, Le Pape François a fait de la synodalité l’axe-clé de son pontificat et du Synode des Évêques un instrument majeur de la dynamique actuelle de réforme missionnaire de l’Église pour laquelle il a été élu. C’est ainsi qu’en Octobre 2021 il a ouvert un synode en plusieurs étapes intitulé « Pour une Eglise synodale : communion, participation, mission » qui se terminera en octobre prochain à Rome par la seconde session de l’assemblée du synode des Evêques. C’est la première fois dans toute l’histoire de l’Eglise qu’un synode vise à impliquer toute l’Eglise et j’espère que vous avez eu l’occasion de participer à la consultation synodale lors de la première phase diocésaine ou encore peut-être lors de la phase continentale qui a suivi.

Comprendre la synodalité
Ce processus synodal que nous vivons a clairement pour but la conversion synodale de l’Église – c’est-à- dire la synodalisation de l’Église à tous les niveaux. Il ne s’agit pas seulement de faire un synode mais comme le d it le Pape François de « devenir synode », c’est-à-dire un diocèse synodal, un prêtre ou un évêque synodal, un couple synodal, une famille synodale. L’Église est en réapprentissage de la synodalité. Le mot synode du grec « sun » qui veut d ire « ensemble » et « hodos » qui se traduit par chemin signifie « marcher ensemble ». La synodalité est ce style de l’Eglise que vous voyez exprimer par ce logo, une Eglise où tous marchent ensemble guidés par l’Esprit. Une Eglise où tous et toutes, hommes et femmes, dans la diversité de nos âges, vocations, rôles, nous cherchons à renforcer la communion en permettant la participation de tous pour mieux servir la mission de l’Eglise dans un esprit de coresponsabilité. La synodalité est une dimension constitutive de l’Eglise et caractérisait la gouvernance de l’Eglise primitive. Nous la redécouvrons comme un fruit de Vatican Il. Comme le dit le théologien australien Ormond Rush « la synodalité est le Concile Vatican Il en concentré ». Elle vise donc à mettre en oeuvre la vision de l’Eglise dessinée par Vatican Il qui met le premier focus sur notre commune vocation baptismale et met en avant l’image de l’Eglise comme Peuple de Dieu.

La synodalité s’apprend par l’expérience
Je suis toujours heureuse de parler de la synodalité comme cela m’est demandé comme aujourd’hui, mais en fait la synodalité ne s’apprend pas dans un livre ou un cours, elle s’apprend avant tout par l’expérience. C’est de l’ordre du « learning by doing », on comprend vraiment la synodalité en la pratiquant, en mettant en oeuvre concrètement ce style qui est celui de l’écoute, du dialogue, de la fraternité en Christ. Car il s’agit d’un chemin de discernement ensemble qui est une expérience de I’Esprit.

A travers ce synode, nous sommes donc en train de continuer à apprendre ce style synodal, c’est-à-dire comment marcher ensemble en discernant les appels de l’Esprit. Le discernement est un art. Discerner la manière d’être une Eglise synodale en mission dans le monde d’aujourd’hui qui est un monde en pleine transformation, n’est pas écrit d’avance. Le chemin se dévoile au fur et à mesure que nous marchons. A ce stade du processus synodal d’après le rapport de synthèse de la première session romaine d’octobre 2023 voici comment nous pouvons définir la synodalité : « La synodalité peut être comprise comme la marche des chrétiens avec le Christ et vers le Royaume, avec l’ensemble de l’humanité ; orientée vers la mission, elle implique de se réunir en assemblée aux différents niveaux de la vie ecclésiale, de s’écouter les uns les autres, de dialoguer, de procéder à un discernement communautaire, de rechercher le consensus comme expression de la présence du Christ dans l’Esprit, et de prendre des décisions dans le cadre d’une coresponsabilité différenciée. »

La famille, première école de synodalité
A l’écoute de cette première tentative de présentation de la synodalité, vous comprenez sans doute pourquoi j’aime à dire et répéter que « la famille est la première école de synodalité ». Parce que la famille que nous définissons dans une vision chrétienne comme« une communauté de vie et d ‘amour » est en fait cette première cellule d’Eglise, l’Eglise domestique, dans laquelle nous apprenons l’écoute mutuelle, le dialogue, la communion de l’amour dans le respect des différences. En tant que couples engagés dans le mariage chrétien vous portez ce témoignage fondamental d’un possible chemin de synodalité pour tisser la communion dans la différence en s’ouvrant à la fécondité de l’amour. Car l’expérience du couple que vous formez avec ce désir de vivre pleinement la grâce du mariage chrétien est une expérience de marche ensemble avec le Christ dans la différence, une expérience concrète de la mise en oeuvre de ces trois mots-clés du synode: communion, participation, mission.

En tant que couples, membres des END vous témoignez ici par votre présence dans ce rassemblement international de votre désir de synodalité au-delà de toutes frontières culturelles, linguistiques. Vous avez appris et désirez continuer à apprendre comment marcher ensemble – comme époux et épouse, mais aussi pour beaucoup d’entre vous comme père et mère avec vos enfants – en étant à l’écoute de l’Esprit en vue de discerner personnellement et en couple comment vivre concrètement cette vocation à la communion pour porter du fruit. Et vous savez combien pour bien marcher ensemble en couple, il est important de s’asseoir ensemble régulièrement pour faire le point, échanger sur les sujets importants de votre vie, échanger sur les décisions importantes à prendre et trouver comment dépasser les conflits possibles du quotidien. Votre « devoir de s’asseoir » est un peu comme un « mini-synode » du couple que vous pratiquez régulièrement pour relire votre chemin ensemble et discerner comment avancer.

Parce que si la grâce du mariage vous est donnée le jour où vous avez reçu ce sacrement, elle est sans cesse à recevoir et faire fructifier, à mettre en oeuvre jour après jour en fonction des circonstances concrètes
de votre yie.

J’espère donc par cette présentation sur la synodalité comme chemin de communion vous inviter à relire ce que vous vivez déjà de la synodalité dans votre couple, votre famille, votre équipe END, votre paroisse et peut-être d’autres communautés ecclésiales auxquelles vous participer et en même temps vous donner quelques pistes qui pourront vous aider à avancer sur ce chemin de la synodalité qui est chemin de communion pour la mission en répondant pour vous-mêmes et vos communautés d’appartenance à cette question fondamentale qui a guidé le processus synodal :

« Comment se réalise aujourd’hui, à différents niveaux du niveau local au niveau universel » ce « marcher ensemble » qui permet à l’Église d ‘annoncer l’Évangile, conformément ~ la mission qui lui a été confiée ; et quels pas de plus l’Esprit nous invitent à poser pour grandir comme Église synodale? » (DP 2)

La méthode synodale (la Conversation dans l’Esprit, un chemin de communion)

D’ailleurs la méthode synodale que nous avons promue et utilisée dans ce synode, notamment dans les assemblées continentales et l’assemblée romaine d ‘octobre dernier que nous appelons conversation dans l’Esprit (ou conversation spirituelle peut rappeler par certains côtés ce que vous vivez quand vous prenez le temps de dialoguer en couple en profondeur en mettant en oeuvre régulièrement « le devoir de s’asseoir ». Et vous le savez le secret d’un couple qui s’aime fidèlement dans la durée en traversant ensemble les années est la capacité à se laisser transformer l’un par l’autre pour se laisser bonifier par l’autre. Cela demande d’avancer chacun sur un chemin de conversion personnelle en devenant toujours davantage soi-même en Christ, ce qui implique de renoncer à ce qui en soi fait obstacle à l’amour au sens évangélique. L’aventure du mariage est l’aventure d’une communion qui s’approfondit quand chacun se laisse transformer, convertir par ce que l’Esprit façonne en soi par l’autre. Cette même dynamique de conversation et conversion est à l’oeuvre dans la méthode synodale : « La conversation dans l’Esprit est un outil qui, même avec ses limites, est fécond pour permettre une écoute authentique et discerner ce que l’Esprit dit aux Eglises. Sa pratique a suscité joie, étonnement et gratitude et a été vécue comme un chemin de renouveau qui transforme les individus, les groupes et l’Église. Le mot « conversation » exprime quelque chose de plus qu’un simple dialogue : il entrelace harmonieusement la pensée et le sentiment et génère un monde vivant partagé. C’est pourquoi on peut dire que la conversion est l’enjeu de la conversation. Il s’agit d ‘une donnée anthropologique que l’on retrouve dans différents peuples et cultures, unis par la pratique de se réunir solidairement pour discuter et décider des questions vitales pour la communauté. La grâce mène à son accomplissement cette expérience humaine : converser « dans l’Esprit » signifie vivre l’expérience du partage de la lumière de la foi et de la recherche de la volonté de Dieu, dans un climat authentiquement évangélique, où l’Esprit Saint peut faire entendre sa voix sans équivoque. » L’expérience synodale à travers le discernement ensemble, la conversation dans l’Esprit qui nous permet de partager en vérité, tout à la fois nous « ecclésialise » en nous insérant plus profondément dans le mystère de l’Eglise et en même temps nous donne d ‘approfondir chacun et chacune notre vocation personnelle. Nous en sommes témoins dans ce processus synodal.

La synodalité, une vision dynamique de l’identité de l’Eglise communion Beaucoup d’entre vous sont sans doute passés d’une vision assez théorique et idéale du mariage à une vision dynamique du sacrement qui s’incarne au jour le jour dans les réalités quotidiennes. Pour vivre la fidélité à cet amour conjugal que vous avez reçu, vous vous êtes laissés transformé par le chemin parcouru. Il n’y a pas une formule magique pour vivre la synodalité comme chemin de communion, tout comme il n’y a pas de formule magique pour vivre un mariage réussi et s’aimer en couple une fois pour toute dans le concret d’un quotidien qui évolue forcément. Cela s’apprend et se discerne jour après jour en fonction des situations qui changent, des étapes de la vie. Vous le savez on ne s’aime pas exactement de la même manière au début de son mariage et après des années de mariage qui ont inévitablement été marquées par des joies et des peines, des évènements heureux et des épreuves. Il s’agit d’incarner jour après jour dans la réalité telle qu’elle est la vision du mariage chrétien et non de rester dans un idéal inatteignable. La synodalité touche à cela, elle est une vision dynamique de l’Eglise qui comme Peuple de Dieu chemine dans l’histoire. Vous êtes à la fois le ou la même qu’au jour de votre mariage et en même temps différents aujourd’hui, enrichis et émondés par ce que vous avez traversés de joies et de peines. Comme le dit le Pape François à chaque fois qu’il parle de la synodalité « il camino si fa caminando », le chemin se fait en marchant. Comme l’enfant qui apprend à marcher en se r isquant à faire un premier pas puis un autre, et accepte de tomber et se relever, si nous ne prenons pas le risque de marcher concrètement ensemble en Eglise dans la d iversité de nos vocations, nous n’apprendrons jamais cet art de la synodalité qui est l’art de marcher ensemble dans la différence en se laissant guider par l’Esprit sur le chemin de la vérité et de l’unité.

La synodalité touche exactement ce point-là, c’est une vision dynamique de l’identité de l’Eglise en chemin dans l’histoire comme Peuple de Dieu. « Notre « marche ensemble » est, de fait, ce qui réalise et manifeste le plus la nature de l’Église comme Peuple de Dieu pèlerin et missionnaire. »

Un chemin de communion à l’image de la Trinité

Appelée à vivre la synodalité comme une forme, un style qui s’incarne aussi dans des structures, l’Eglise reçoit d’approfondir au long du chemin synodal sa propre identité et vocation que l’on peut définir en reprenant les mots de la Constitution sur l’Eglise Lumen Genfium comme celle d’être « dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain ». Vous le sentez donc bien, entrer dans cette vision synodale c’est voir l’Eglise comme un mystère huma no – divin enraciné dans le mystère trinitaire mais qui se déploie dans l’histoire, dans la diversité des contextes et des situations à travers des personnes. Avancer sur ce chemin de la synodalité comme baptisés c’est vivre notre vie familiale et ecclésia le comme des pèlerins missionnaires en formant ensemble le Peuple de Dieu qui marche dans l’histoire avec tous les peuples de la terre. On est amené à regarder l’Eglise non pas d’une manière théorique et abstraite mais à partir de la réalité concrète des personnes qui la constituent. Le point de départ de la synodalité est « le concret », « les situations réelles » et non pas « imaginées ». Il s’agit donc de partir de la réalité telle qu’elle est en la laissant éclairer par la Lumière divine qui travaille au coeur. Vivre la synodalité comme chemin de communion c’est-être à la fois pleinement humain et pleinement spirituel, ouvert à la dimension divine. Ce chemin de communion se réalise comme le rappelle le rapport de synthèse du synode quand nous reconnaissons la primauté de la grâce. L’Amour de Dieu nous précède mais appelle notre réponse d’amour à son Amour qui doit se traduire dans les actes. Comme le dit bien cet extrait de la Contemplation pour obtenir l’Amour à la fin des Exercices Spirituels de Saint-Ignace de Loyola: « l’amour doit se mettre dans les actes plus que dans les paroles. La seconde: l’amour consiste en une communication réciproque ; c’est-à-dire que celui qui aime donne et communique à celui qu’il aime ce qu’il a, ou une partie de ce qu’il a ou de ce qu’il peut ; et de même, à l’inverse, celui qui est aimé, à celui qui l’aime. De manière que si l’un a de la science, il la donne à celui qui ne l’a pas ; de même pour les honneurs et les richesses. Et de la même manière l’autre donne au premier. » L’amour appelle la réciprocité, la relation, la communication réciproque.

L’Eglise, famille de Dieu
Il y a un lien très profond entre ce qu’est l’Eglise et ce qu’est une fami lle, communauté de vie et d’amour dont le modèle est pour nous chrétiens les relations trinitaires. C’est pourquoi ce synode met toujours davantage en lumière la vision d’une Eglise synodale comme celle d’une Eglise famille. Ainsi le souligne ce pas age du rapport de synthèse de l’assemblée du synode des Evêques d’octobre 2023 en parlant du processus synodal : de Dieu. C’est précisément avec cette expérience et ce désir d’une Église plus proche des personnes, moins bureaucratique et plus relationnelle, que les termes  » synodalité  » et  » synodal  » ont été associés, offrant une première compréhension qui demande à être mieux précisée. C’est l’Église que les jeunes avaient déjà déclaré vouloir en 201 8, à l’occasion du Synode qui leur était dédié. »

Nous voyons ici que la synodalité met au centre la relation. Les gens, en particulier les jeunes, mais pas seulement, ne veulent pas d ‘abord d’une Eglise institution qui se présente d’abord à travers des structures et des fonctions,  mais une Eglise relationnelle qui met au centre la relation, la relation au Christ et la relation aux frères et soeurs en Christ. Et comme couple et famille, première cellule d’Eglise,vous représentez cela, un noyau relationnel qui tisse des relations d’amour non pas d ‘une manière théorique et abstraite mais en incarnant au jour le jour cet amour reçu et donné dans les gestes et actes du quotidien. Un amour qui vit de l’amour trinitaire car la vocation de la famille comme de l’Eglise et de toute communauté chrétienne comme celle que vous formez en ces jours est d’être image-même de la Trinité qui est le mystère d’une relation d’amour si forte entre le Père et le Christ qu’elle s’exprime à travers la personne du Saint-Esprit comme une présence active dans le monde pour guider, inspirer et sanctifier les croyants.

La communion, don à recevoir et chemin à vivre
Nous comprenons à travers l’expérience du synode que, dans le couple, dans la famille, comme dans l’Eglise, vivre la communion est à la fois un don de Dieu Trinité et un chemin. Ce chemin est celui de la synodalité qui nous fait passer du « je » au « nous » en nous faisant prendre toujours davantage conscience que, comme baptisés nous sommes membres d’un même Corps, frères et soeurs en Christ.

Le chemin de la synodalité qui est celui de la communion missionnaire par laquelle tous sont écoutés et participent, a été discerné par l’Eglise comme l’appel de Dieu pour l’Eglise du troisième millénaire . Car comme le dit le Pape François « la synodalité est la manière d ‘être une Église aujourd’hui selon la volonté de Dieu dans une dynamique d’écoute et de discernement de l’Esprit saint ».

Ce chemin de la synodalité nous appelle à être tous acteurs de la vie de l’Eglise, en comprenant et vivant cette vision d’une Eglise Peuple de Dieu où tous, baptisés, sont appelés à porter la mission de l’Eglise comme une communauté de disciples missionnaires. « La vie synodale est le témoignage d ‘une Église constituée de sujets libres et divers, unis entre eux dans la communion, qui se manifeste de façon dynamique comme un unique sujet communautaire lequel, appuyé sur le Christ, la pierre angulaire, et sur les colonnes que sont les Apôtres, est édifié comme autant de pierres vivantes en une « maison spirituelle » (cf. 1 P 2,5), « demeure de Dieu dans l’Esprit » (Ep 2,22). » (SYN55)

Vous voyez ainsi combien la dynamique même du sacrement du mariage chrétien qui est celle de l’unité entre un homme et une femme, une alliance entre deux partenaires libres et égaux ouverte à la vie et à la fécondité de l’amour, est d ‘une certaine manière du même ordre que la dynamique synodale par laquelle nous nous reconnaissons mutuellement comme baptisés revêtus d’une égale dignité, incorporés par le baptême dans un même corps qui fait de nous des frères et soeurs en Christ appelés à servir ensemble la mission de l’Eglise qui est de servir la communion de la famille humaine toute entière.

L’Eucharlstle, source et sommet de la synodalité
Alors que vous avez choisi comme fil conducteur !’Eucharistie pour votre rassemblement, je voudrai continuer ma réflexion sur la synodalité avec cet extrait du rapport de synthèse de la première session de l’Assemblée synodale. Comme vous pouvez le voir sur les photos de la salle synodale, nous étions tous assis autour de tables-rondes tant pour les temps en plénière que pour les temps en petits groupes linguistiques par table en suivant la méthode synodale de la Conversation dans l’Esprit : « La manière même dont l’Assemblée s’est déroulée, à commencer par la disposition des personnes assises en petits groupes autour de tables rondes dans la Salle Paul VI, comparable à l’image biblique du banquet de noces (Ap 19, 9), est emblématique d’une Église synodale et image de l’Eucharistie, source et sommet de la synodalité, avec la Parole de Dieu en son centre. En son sein, des cultures, des langues, des rites, des modes de pensée et des réalités différents peuvent s’engager ensemble et de manière fructueuse dans une recherche sincère sous la conduite de l’Esprit. ». Puis un peu plus loin au chapitre 3 intitulé « Entrer dans une communauté de foi : l’initiation chrétienne :

a. La célébration de l’Eucharistie, surtout le dimanche, est la première et la principale forme de rassemblement et de rencontre du saint peuple de Dieu. Là où elle n’est pas possible, la communauté, tout en la désirant, se rassemble autour de la célébration de la Parole. Dans !’Eucharistie, nous célébrons un mystère de grâce dont nous ne sommes pas les créateurs. En nous appelant à participer à son Corps et à son Sang, le Seigneur fait de nous un seul corps entre nous et avec lui. À partir du terme koinonia utilisé par Paul (cf. / Co 10, 1  6- 17), la tradition chrétienne a conservé le mot « communion » pour indiquer à la fois la pleine participation à !’Eucharistie et la nature des relations entre les fidèles et entre les Églises. Tout en nous ouvrant à la contemplation de la vie divine, aux profondeurs insondables du mystère trinitaire, ce terme nous renvoie à la quotidienneté de nos relations : dans les gestes les plus simples par lesquels nous nous ouvrons les uns aux autres, c’est bien le souffle de l’Esprit qui circule. C’est pourquoi la communion célébrée dans !’Eucharistie et qui en découle configure et oriente les chemins de la synodalité.

b. l’Eucharistie nous apprend à articuler unité et diversité : unité de l’Église et multiplicité des communautés chrétiennes ; unité du mystère sacramentel et variété des traditions liturgiques ; unité de la célébration et diversité des vocations, des charismes et des ministères. Rien ne montre mieux que l’Eucharistie que l’harmonie créée par l’Esprit n’est pas l’uniformité et que tout don ecclésial est destiné à l’édification commune. »

Ces deux paragraphes nous mettent au coeur du chemin de la synodalité et de la question qui soustend toute la démarche synodale actuelle « comment articuler unité et diversité ? Comment vivre l’unité dans la diversité ? ». Ils mettent en évidence ce lien fondamental entre !’Eucharistie et l’Eglise, le mystère eucharistique qui est un mystère de communion fondé sur le mystère trinitaire et le chemin de la synodalité que nous sommes tous appelés à parcourir en couple, en famille, en paroisse, en mouvement, dans toutes nos communautés chrétiennes : « la communion célébrée dans !’Eucharistie et qui en découle configure et oriente les chemins de la synodalité ». Tout synode s’ouvre et se clôt par une célébration eucharistique parce que « le chemin synodal de l’Église est façonné et alimenté par l’Eucharistie. Elle est « le centre de toute la vie chrétienne pour l’Église universelle, pour les Églises locales et pour les fidèles chrétiens » [521. La source et le sommet de la synodalité se trouvent dans la célébration de la liturgie, et de façon singulière, dans la participation pleine, consciente et active à la synaxe eucharistique [531. La communion au Corps et au Sang du Christ fait en sorte que « bien que nous soyons plusieurs, nous sommes un seul Pain et un seul Corps parce que nous participons tous à un seul Pain » 11 Co 10, 17). » (SYN47)

Vivre une spiritualité de la synodalité

En creusant ce lien entre Eucharistie et Synodalité, nous pouvons identifier et approfondir les éléments qui permettent de vivre une spiritualité de la synodalité qui tisse la communion. Son point de départ est l’humilité, la reconnaissance de notre péché et de notre besoin de réconciliation. Nous sommes fondamentalement créés pour la relation et la communion mais nous peinons à la vivre concrètement.

C’est pourquoi la synodalité est un chemin qui a son point de départ dans le réel, passe par la reconnaissance que nous sommes pécheurs et vivons imparfaitement la synodalité et la communion à laquelle nous sommes appelées. Par conséquent nous avons besoin de demander à Dieu son Esprit pour nous guider. La prière de l’Adsumus, prière traditionnelle de l’Eglise pour les conciles et synodes que nous avons proposée pour ce synode, nous donne in fine tous les éléments nécessaires pour vivre la synodalité comme un chemin eucharistique de communion. C’est sans doute une prière qui pourrait aussi vous aider à vivre la synodalité dans votre couple, votre famille et je vous invite à repérer les attitudes spirituelles requises pour un synode telles qu’exprimées ici :

Nous voici devant Toi, Esprit Saint ; en Ton Nom, nous sommes réunis. Toi notre seul conseiller, viens à nous, demeure avec nous, daigne habiter nos coeurs. Enseigne-nous vers quel but nous orienter ; montre-nous comment nous devons marcher ensemble. Nous qui sommes faibles et pécheurs, ne permets pas que nous provoquions le désordre. Fais-en sorte, que l’ignorance ne nous entraîne pas sur une fausse route, ni que la partialité influence nos actes.

Que nous trouvions en Toi notre unité, sans nous éloigner du chemin de la vérité et de la justice, en avançant ensemble vers la vie éternelle. Nous Te le demandons à Toi, qui agis en tout temps et en tout lieu, dans la communion du Père et du Fils, pour les siècles des siècles, Amen.

L’expérience synodale nous apprend combien nous avons besoin des autres, elle nous convoque humblement à reconnaître que nous n’avons pas la vérité seul, nous avons besoin du regard des autres pour discerner la vérité parce que comme le dit cette prière de l’Adsumus « nous sommes faibles et pêcheurs », nous sommes vulnérables et avons chacun nos limites. Pour vivre la synodalité comme chemin de communion, ainsi que vous le vivez dans votre couple, il nous faut reconnaître pleinement l’égale dignité de l’autre, en valorisant par l’écoute sa différence, son charisme propre, sa vocation unique. Il s’agit avant tout de sortir d’une logique de compétition ou domination de l’un sur l’autre pour entrer dans une logique de coopération, de réciprocité avec ce désir d ‘apprendre de l’autre. Ce qui demande une grande humilité et une ouverture à la nouveauté que nous apporte l’autre. Dans une Eglise synodale, tous ont à apprendre les uns des autres, comme le dit le Pape François : « Une Église synodale est une Église de l’écoute, avec la conscience qu’écouter « est plus qu’entendre »I.l.2:l. C’est une écoute réciproque dans laquelle chacun a quelque chose à apprendre. Le peuple fidèle, le Collège épiscopal, !’Évêque de Rome, chacun à l’écoute des autres ; et tous à l’écoute de l’Esprit Saint, I’« Esprit de Vérité » Un 14, 17), pour savoir ce qu’il dit aux Églises (Ap 2, 7). » Pour devenir une Eglise synodale, il nous faut donc devenir une Eglise apprenante en restant ouvert à la nouveauté de !’Esprit. La synodalité est un chemin créatif non tracé d’avance dans lequel chacun a quelque chose à donner et chacun a quelque chose à recevoir.

Devenir des couples apprenants dans une Eglise apprenante

Cette dynamique synodale nous invite donc à être sans cesse dans cette démarche d’apprentissage. Une Eglise synodale est une Eglise apprenante dans laquelle nous nous entraidons et apprenons les uns des autres comment suivre concrètement le Christ aujourd’hui dans la diversité de nos vocations, comment vivre la mission de l’Eglise dans le concret de nos réalités diversifiées, comment se laisser conduire par l’Esprit. Si nous pensons détenir la vérité seul ou déjà tout savoir du chemin concret à parcourir dans un couple, une communauté chrétienne. L’appel de Dieu se discerne au fur et à mesure dans une écoute profonde de !’Esprit qui passe par l’écoute des autres. Vous le vivez surement ici en vous retrouvant ensemble de tant de pays différents et en vous ouvrant à la rencontre des autres et au partage d’expérience si enrichissant.

Votre rassemblement lui -même est une expérience de synodalité, de marche ensemble dans cet esprit d’écoute, de dialogue, de discernement. Je vous invite à relire cette expérience d ‘Eglise sous l’angle de la synodalité. Qu’avez-vous appris à travers cette expérience de pèlerinage ensemble à Turin ? Quelles sont les graines de synodalité que vous recueillez pour les faire fructifier ensuite chez vous afin d’être de continuer à tisser I a communion dans votre couple, votre famille, votre équipe Notre-Dame, vos communautés chrétiennes, mais aussi plus largement votre société, vos lieux de travail et d’engagement. Car la synodalité n’est pas seulement et d’abord une manière de vivre la synodalité ad intra mais elle va de pair avec une manière de vivre l’Eglise ad extra dans ce style du dialogue. La synodalité est toujours missionnaire et implique le dialogue oecuménique, le dialogue interreligieux, le dialogue avec la société, le monde politique, économique …

En conclusion

En conclusion, je voudrai souligner que cet appel à devenir une Eglise synodale, c’est-à-dire une Eglise qui écoute et accompagne s’adresse à chacun de nous et requiert l’engagement de tous les baptisés. Puisse ce rassemblement vous aider chacun et en couple à discerner comment devenir davantage un couple synodal, une famille synodale, une équipe Notre-Dame synodale qui écoute et accompagne chacun comme le Christ sur le chemin d’Emmaüs. Ce passage d’Emmaüs nous offre en effet comme une image paradigmatique de ce qu’est la synodalité : une marche ensemble comme le Christ avec les deux disciples : à nous comme une image paradigmatique de ce qu’est le style synodal. Jésus rejoint les disciples là où ils sont, fait chemin avec eux même dans le mauvais sens, il commence par les écouter en leur posant une question qui leur permet d’exprimer ce qu’ils sont en train de vivre, une désillusion et souffrance. Puis il leur interprète les Ecritures après avoir écouté leur expérience. A travers cette écoute et ce dialogue il rejoint quelque chose de profond au fond d’eux-mêmes. li ne s’impose pas mais les disciples l’invite à rester avec eux. De cette rencontre qui se traduit dans le partage du pain, les disciples reçoivent la consolation. Cette rencontre les transforme et les envoie en mission, unis à la communauté chrétienne qu’ils vont dès lors retrouver à Jérusalem. Ce chemin de conversion des disciples êfEmmaüs décrit bien ce que peut-être le chemin de synodalité comme chemin de communion. Puissions-nous recevoir cette grâce et continuer à marcher avec le Christ sur nos chemins d’Emmaüs pour faire de cette terre un lieu de communion.

Faites grandir les couples dans la foi