Comment s’approcher de Dieu dans l’Eucharistie sans d’abord tomber à genoux ! « Enlève tes sandales, car tu te trouves dans un endroit consacré » (Ex 3, 5). Après l’accueil à la messe, la liturgie pénitentielle réalise une merveilleuse pédagogie : « je reconnais devant vous, frères et sœurs, que j’ai péché » (rituel de la messe).
Si le péché est une offense contre Dieu, elle blesse également nos liens humains. C’est l’une des raisons pour lesquelles le pardon paraît si difficile. Il heurte notre conception spontanée de la justice pour laquelle le coupable est tenu de payer compensation pour son offense : par sa faute, il a perverti l’ordre juste des choses et cela mérite une sanction. Et celui qui a été offensé mérite dédommagement de la perte qu’il a subie.
Le pardon donné consiste ainsi à effacer cette double dette. Qui pardonne renonce à son droit à faire payer : le pardon n’est donc jamais exigible en justice, mais relève d’un débordement de l’amour. Et il ne consiste pas seulement dans une sorte d’acquittement : il rétablit les relations humaines. Il s’abstient de rendre le mal pour le mal pour rendre au contraire le bien pour le mal : non seulement il fait grâce, mais il confère la grâce.
La demande de pardon au début de la messe se déploie donc en trois pardons successifs : de chaque conjoint avec Dieu, mutuellement entre les conjoints et en définitive du foyer en entier avec Dieu. Au point que le père Caffarel n’hésite pas à parler audacieusement d’une sorte d’état de grâce du foyer réconcilié et réunifié par Dieu. La puissance de sa miséricorde inaugure une communion nouvelle des conjoints, des parents avec leurs enfants et réciproquement. Impossible de recevoir la plénitude de la grâce eucharistique en excluant cette part décisive de notre vie que représente notre foyer : nous le présentons à Dieu et sa volonté est de l’associer au Christ comme une « offrande pure, sainte et agréable à Dieu ».
Et ici chaque conjoint dit à l’autre : « offre-moi à Dieu puisque je ne dispose plus de moi-même, étant devenu ton bien exclusif dans mon don à toi dans le mariage ». Après le pardon, la condition pour communier au Christ est de tout donner, de tout offrir. Au moment où le prêtre se saisit du pain et du vin pour les offrir dans l’élévation de ses mains vers Dieu, chacun offre l’autre : « il est tien, Père du ciel, avant d’être mien. Il est mien parce qu’il est tien et que tu me l’as confié et je l’élève vers toi en te l’offrant comme le pain et le vin. Je te le donne, je te le cède, je te l’offre, totalement, pour qu’il devienne ton corps ». Ainsi, dans l’heureuse nouvelle traduction liturgique, nous répondons : « Que le Seigneur reçoive de vos mains (entendons « vous les prêtres ») ce sacrifice de louange (entendons « le foyer offert en communion avec le Christ ») pour la gloire de son nom ».
Au coeur de la messe, l’offertoire du couple, préparé par la liturgie pénitentielle qui réinstaure la communion du foyer, accomplit une immense élévation. Et bien sûr, il y a aussi l’offrande du veuf ou de la veuve qui offre son conjoint au Père dans le Christ pour le recevoir mystérieusement à nouveau en Dieu. Il y a l’offrande des enfants, l’oeuvre la plus parfaite d’une vie que peuvent présenter des parents.
Nous découvrons le secret de toute eucharistie : semaine après semaine, il transforme le foyer en petite église vivifiée par un véritable culte rendu à Dieu et qui devient source de la prière conjugale et familiale.
Extrait de la Lettre n° 259
EUCHARISTIE, LAISSE-TOI REGARDER PAR LE CHRIST