Nous vous demandons pardon
Avant tout, je crois important de vous demander pardon
pour l’opprobre qui pèse maintenant sur le nom de catholiques que vous portez.
Alors que l’ON a agi, – ON c’est l’Église, mais c’est aussi la justice, c’est aussi parfois la médecine ou les psychologues – comme si l’enfant allait oublier la souffrance causée, ce qui fait que l’ON s’est peu ou pas préoccupé des enfants atteints.
Voilà. D’où, vendredi dernier, la décision des évêques de reconnaître enfin la responsabilité institutionnelle de l’Église, au-delà des fautes personnelles qui demeurent et qu’il faut pouvoir repérer, et puis aussi d’ouvrir un chemin de médiation et de réparation, y compris par l’indemnisation pour les personnes victimes. Et ce qui a été décisif pour nous, c’est d’accepter d’affirmer cela sans nous préoccuper des conséquences juridiques, économiques, financières que cela pouvait avoir, mais simplement parce que nous sommes, nous voulons être, l’Église de Jésus ; non pas une institution qui se protège – Jésus n’est pas venu pour créer une institution de plus qui fait du mal et qui se protège – mais pour pouvoir atteindre tous les humains et leur apporter quelque chose de la bienveillance de Dieu. Donc, puisque nous avons fait le contraire, puisque s’est développé un certain système ecclésial ou ecclésiastique qui a provoqué le contraire, nous devons l’assumer, pour pouvoir en libérer, libérer de ce poids, les personnes qui en ont été victimes et pour pouvoir dégager l’Église afin qu’elle soit vraiment l’Église de Jésus.
Cette attitude de prédation, nous la retrouvons dans notre attitude à l’égard de la Création qui nous entoure, de la maison commune que nous habitons. Ce qui fait souffrir profondément ceux et celles qui sont victimes de ces abus, de ces violences et de ces agressions, c’est d’être traités comme des choses. Comme des choses pour le désir, pour la concupiscence de tel ou tel.
Mais c’est aussi ce que nous vivons collectivement, sans doute pas chacun individuellement, mais ce que nous vivons collectivement dans le système de production et de consommation que nous avons construit à l’égard de l’ensemble de la planète et peut être même du cosmos dans lequel nous nous trouvons ; nous traitons tout comme de pures choses à notre disposition, desquelles nous pouvons tirer tout ce qu’il nous faut pour satisfaire nos désirs.
Et il n’y a pas de limite mise
à nos désirs ou à nos concupiscences, on peut même dire que nous avons créé un système économique dont le moteur est une exacerbation constante du désir, un renouvellement constant des besoins, de manière indéfinie.
Article de Mgr Eric de Moulins-Beaufort, Archevêque de Reims, Président de la Conférence des Evêques de France. Extrait de la Lettre n°246 des Equipes Notre-Dame avril/mai 2022