Méditation de Marina Marcolini

Lc 25-27: Jésus leur dit alors : « Esprits sans intelligence ! Comme votre coeur est lent à croire tout ce que les prophètes ont dit ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? » Et, partant de Moïse et de tous les Prophètes, il leur interpréta, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait .

Jésus invite les deux disciples d’Emmaüs à lire l’histoire avec lui- cette histoire qui apparemment se finit par un échec : la croix – et y voir un sens bien plus large. Nous sommes petits et nos vies sont courtes, mais il y a un infini et une éternité qui les contient et leur donne un sens spécial et inoubliable.

Jésus explique aux deux disciples d’Emmaüs que la défaite, la perte, le traumatisme, la mort sont inévitables mais qu’ils ne détruisent définitivement rien. Malheureusement, ils existent bel et bien et nous devons y faire face chaque jour, mais ils n’ont pas le dernier mot, la vérité ne réside pas en cela.

Ils nous blessent, nous démolissent, ils nous anéantissent mais ils ne peuvent détruire la promesse d’amour, de lumière, de vérité, de vie, que Dieu est venu nous offrir.

Il y a des personnes qui préfèrent rester ancrées dans leur douleur plutôt que de courir le risque d’espérer à nouveau.

Il y a des moments où nous préférons anesthésier notre cœur et ne plus rien ressentir, plutôt que de prendre le risque d’être à nouveau blessés par la vie. Nous avions rêvé de rencontrer l’amour, de faire un mariage parfait, d’un enfant parfait, d’un emploi gratifiant, d’une vie remplie, et la vie nous a trahis, le rêve s’est brisé, il a explosé telle une bulle de savon.

Nous avions rêvé d’un nouveau monde, nous étions nombreux à en rêver et nous avons travaillé à sa construction dans le chantier des rêves de paix et de justice- le rêve de Dieu- mais tout s’est effondré et ce travail long et fatigant nous aura semblé complètement inutile.

Alors, nous retournons cultiver notre potager, nous nous enfermons, dans cette enceinte, seuls, sans vouloir voir au-delà.

Parfois, nos yeux sont tellement brouillés par la tristesse que nous ne reconnaissons pas Jésus, nous n’entendons pas sa voix, nous ne le voyons pas au cœur de nos journées. La vie nous offre des signes; des gestes amicaux, des mots, des rencontres, des petits évènements qui pourraient ouvrir en nous une brèche de lumière, mais nous ne les cueillons pas, nous ne voulons pas les recueillir car nous nous sommes mariés à notre douleur, à notre tristesse, à notre ressentiment.

Jésus explique les Saintes écritures en marchant le long de la route : ” c’est un appel à l’éveil, à arracher les bandes qui nous couvrent les yeux, à démolir des systèmes de protection inutiles. Il a dû qualifier les disciples de “sots” pour leur ouvrir les yeux.

“Et quel est le défi ? Avoir confiance, se fier au plan plus grand que nous, aller au-delà des souffrances de l’instant, afin de les voir comme la part d’un processus de guérison plus grand” (Nouwen).

“ Les choses qui s’effondrent sont une forme de preuve et même une forme de guérison. Nous pensons que le but est de surmonter l’épreuve ou le problème mais la vérité est que les choses ne se résolvent jamais vraiment. Elles se présentent et elles se détruisent, ensuite, elles se re-présentent et de nouveau elles se détruisent. Cela fonctionne ainsi.

La guérison a lieu quand nous laissons l’espace pour tout accueillir : de l’espace pour la douleur, le soulagement, la souffrance, la joie.

En présence d’une grosse déception, nous ne savons pas si c’est la fin de l’histoire, cela peutêtre le début d’une grande aventure” (Chodron).

“La joie donnée par la foi s’adapte et se transforme dans les différentes étapes de la vie. Même dans les épreuves les plus graves, nous devons laisser la joie commencer à s’éveiller petit à petit, telle une confiance secrète mais ferme.

Il reste toujours au moins une ouverture vers la lumière qui émane de la certitude d’être aimé infiniment, au-delà de tout”. (François. EG6).

Jésus nous apporte cela, il nous fait nous sentir aimés. Et quand l’on se sent aimé, l’on découvre combien de beauté se cache dans une vie dédiée au service des autres. Jésus ouvre les fenêtres et nous respirons l’air pur.

La grande pédagogie de Jésus est de nous aider avec ses questions et sa vie, au travers des Saintes écritures, à ouvrir les fenêtres de notre esprit et à remettre en question notre manière de voir la vie et de réagir au monde qui nous entoure. En d’autres termes, il nous enseigne la sagesse véritable.

Jésus est un maître de l’existence. Jésus, “ le maître de l’école de la vie, ne se préoccupait pas tant de corriger les comportements extérieurs que de stimuler les gens à penser et à élargir leur compréhension des horizons de la vie “ (Cury).

Jésus explique la Parole aux deux disciples le long de la route et éclaire les deux voyageurs, confus de prime abord, puis attentifs. Et il les invite à se souvenir, à se rappeler.

Les deux pèlerins d’Emmaüs sont comme nous, des personnes en manque de confiance, fragiles et dubitatives, Quelqu’un leur avait ouvert le coeur. Et Jésus leur permet de se rappeler.

Ils avaient trouvé en lui l’amour, quelqu’un qui savait les aimer comme personne d’autre n’aurait pu. Et Jésus, non seulement les aimait et les faisait se sentir uniques, mais il avait aussi su ouvrir leur coeur d’une manière qu’ils n’avaient jamais ressentie auparavant.

En les aimant, il les rendait semblables à lui, plus capables d’aimer, plus libres de s’ouvrir, de sortir des limites de leur petit moi.
Avec Lui, ils avaient expérimenté une liberté inconnue, Ils avaient respiré une beauté surprenante et éprouvé une joie enivrante.

Leur vie avait été nourrie, leur coeur rempli de la paix de Dieu qui demeure malgré les épines de la vie.

Dans les pas de Jésus, sur les routes et les sentiers de Palestine, les disciples, hommes et femmes, s’étaient senti libérés des noeuds de la peur. Avec ses mots et ses gestes, Jésus les avait convertis à l’amour des hommes du monde,  même pour ceux qui semblaient répugnants ; les malades, les rejetés, les déviants et les mourants.

Il les avait ramenés à l’état d’enfant, il leur avait appris à apprécier la beauté d’une fleur, d’un oiseau en vol. Ils avaient appris de lui, la joie des choses simples, à déguster une gorgée de vin accompagnée d’une bouchée de pain, tout en sentant n’avoir besoin de rien de plus.

Et quand il n’y avait plus de pain, seuls quelques grains d’un épi de blé, récoltés dans un champs et mangés en souriant avaient suffi à pouvoir dire: “Voilà, ici il y a déjà tout, je n’ai besoin de rien d’autre, même si je mourrai maintenant, j’en serai heureux, car, dans cette liberté, dans cette fraternité, dans ce donner et recevoir de l’amour, dans les petites joies , c’est là que réside la plénitude de la vie, et moi je l’ai vécue.

Jésus demande aux deux pèlerins d’Emmaüs de regarder en face la dure réalité de la croix avec un nouveau regard. En mourant de cette manière, il leur a montré un chemin : le chemin du don de soi, de l’amour au service des autres qui aide chacun à sa pleine réalisation.

Comme nous avons besoin de ces paroles de l’évangile chaque jour, face à nos petites et grandes pertes, à nos deuils, face aux grandes défaites sociales et politiques : les guerres ; actes barbares et inhumains qui devraient être bannis de la surface de la terre, mais qui pourtant servent encore à régler des conflits, l’oppression des plus faibles, l’égoïsme de masse qui recherche les privilèges et rejette les gens comme s’ils étaient des déchets… Aujourd’hui, ce monde apparaît à la plupart des gens comme étant un monde à la dérive tel un bateau qui bientôt ira s’échouer et couler. Il y a trop de haine, trop d’injustice, trop de violence, trop d’inégalités honteuses entre les opulents gras et le peuple des Lazare émaciés, trop d’innocents morts dans nos mers, dans nos déserts, trop d’orgueil sur Terre, sur notre Terre mère qui nous nourrit….

Il y en a assez aujourd’hui pour se sentir comme les deux pèlerins d’Emmaüs. Mes jeunes étudiants me demandent, la mine triste: il n’y a plus d’avenir ? Et j’en ai des frissons en entendant des jeunes de vingt ans me demander cela, alors je pense à Jésus: bien sûr qu’il y a un avenir!

L’avenir c’est Lui, l’avenir c’est sa promesse!

Dans l’eucharistie, la liturgie de la parole nous est offerte comme un don, pour que notre mémoire ”soit débordante des merveilles de Dieu” ( François, EG 142).

Les écritures nous parlent intimement, elles nous parlent de nos propres vies d’une manière très profonde. Dans tout ce que nous vivons, Jésus est avec nous, ainsi, notre quotidien devient une histoire sacrée.

Quant à nous, nous faisons partie du grand fleuve de l’histoire sacrée, le même fleuve sur lequel ont navigué les vies de Moïse et des prophètes, celles de Marie et Joseph.

Nos histoires sont sacrées: ce sont les histoires de Dieu qui cheminent avec nous.

Si nous nous arrêtons pour méditer là-dessus, nous sommes stupéfié.

Nous sommes une page de l’histoire sacrée, les saintes écritures sont vivantes, elles se réalisent chaque jour de nos vies.

Vous aussi, essayez de le dire avec moi, tous ensemble : Je suis une page de l’histoire sacrée, Dieu est en train de la rédiger à travers nous, ses intermédiaires.

Jésus vit et ”c’est une certitude que le bien peut trouver son chemin dans nos vies et que nos fardeaux serviront à quelque chose. Alors, nous pouvons cesser de nous plaindre et aller de l’avant, car avec Lui, nous pouvons toujours aller de l’avant. Ceci est la certitude que nous avons” (François, CV 127).

“Le mal n’a pas le dernier mot” ( François, CV 126). C’est Jésus qui nous l’apprend. Il a lui-même vécu, la douleur, la peur, le sentiment d’abandon pendant la nuit de Gethsémani ainsi que sur la croix. Il a pleuré des larmes et il a transpiré du sang.

Mais ”quand la dernière feuille d’arbre est tombée, quand tout semblait désormais perdu et il n’y avait plus qu’à pleurer et désespérer, Le Christ leva les yeux et vit les fleurs du printemps cachés par les branches mortes de la vie.

A l’inverse du Christ, nous abandonnons nos objectifs, nos projets et nos rêves aux premiers signes de difficulté. Nous devons apprendre de lui, à lever les yeux, à voir au-delà des difficultés, des souffrances, des défaites, des échecs et comprendre que même les hivers les plus rudes peuvent mener aux plus joyeux des printemps” (Cuzy).

Au-delà du visible, au-delà des faits de ma vie et des nouvelles que nous donnent les infos, il y a une autre réalité bien plus profonde. Un rai de lumière sous le tissu de mes jours et de l’histoire de l’humanité.

“Je vous rappelle la bonne nouvelle qui nous a été transmise le matin de la Résurrection : Dans toutes les situations sombres et douloureuses dont nous parlons, il y a une porte de sortie” ( François, CV, 104).

Et toutes les fois où nous nous sentons abattus, déçus, rappelons-nous que Dieu est amour, répétons nous “ la première vérité: Dieu vous aime”. Si vous l’avez déjà entendue, peu importe, je veux vous le rappeler: Dieu vous aime.

N’en doutez jamais, peu importe ce qu’il arrive dans votre vie. Vous êtes aimés infiniment dans n’importe quelle circonstance. (François, CV, 112).

Faites grandir les couples dans la foi